Quelles leçons tirer des déboires de Klarna dans le paiement fractionné

Le paiement fractionné - 3 fois sans frais -, a révolutionné la vie des ménages grâce à de nombreuses fintechs, qui ont investi ce marché. Toutefois, les nouvelles conditions économiques ébranlent leur modèle commercial. Les mésaventures du leader mondial, Klarna, livrent de précieux enseignements.

Qui est Klarna, ce géant aux pieds d’argile ?

Pour régler leurs achats, les consommateurs disposent de nombreuses solutions de paiement : paiement au comptant, paiement à crédit, “3 fois sans frais”… En 2022, 44% des Français ont choisi d’acheter maintenant et de payer plus tard. Ce que l’on appelle BNPL, pour “buy now, pay later” en anglais. Cet engouement s’explique par l’arrivée des paiements alternatifs proposés par des fintechs et que la crise sanitaire a favorisés. Ainsi, aujourd’hui, le marché mondial du paiement fractionné, représente 100 milliards de dollars.

 

Ce marché du paiement étalé jusqu’à trois mois sans frais est dominé par le suédois Klarna. Fondée en 2005, la startup s’affiche même comme la fintech européenne la mieux valorisée à 45.6 milliards de dollars*. Elle a démocratisé la possibilité pour les consommateurs de répartir le coût de leurs achats chez les commerçants partenaires sur plusieurs versements à l’aide d’un paiement fractionné en 2, 3 ou 4 fois sans frais. Concrètement, en France, le consommateur ouvre un compte en ligne en quelques clics. Au lieu de présenter sa carte bancaire, il ouvre l’application sur son smartphone et choisit s’il paye au comptant, à 30, 60 ou 90 jours. Et c’est fait. La transaction est terminée et il règle les montants dus selon la périodicité choisie. Simplicité et rapidité expliquent l’engouement.

 

*Taux de change au 12/07/22 > 1 dollar = 1 euro

Pourquoi Klarna est-elle dans la tourmente ?

Malgré ce succès, le leader mondial est contraint de licencier du personnel et revoir ses ambitions à la baisse. Depuis la fin 2021, les conditions économiques mondiales se sont dégradées avec l’envolée de l’inflation ; situation amplifiée avec le conflit russo-ukrainien. Les ménages, à court d’argent face à la hausse des prix du carburant, de l’énergie ou encore de la nourriture, sont enclins à utiliser plus souvent les paiements échelonnés.

 

En parallèle, les fintechs “BNPL” connaissent de fortes augmentations de leurs propres coûts d’emprunt en raison de la remontée des taux d’intérêts, d’autant plus que les prêts aux entreprises sont de plus en plus difficiles à obtenir. Il n’en faut pas plus pour que les investisseurs se méfient. Ainsi, Affirm, le concurrent américain de Klarna introduit en bourse en 2021, a vu son action chuter de 85% depuis son pic historique de novembre 2021.

 

Quant à Klarna, l’entreprise affichait un résultat presque à l’équilibre ces dernières années. 2021 a été un tournant. La résurgence de l’inflation, l’arrivée de nouveaux concurrents, la diversification des organismes de crédit traditionnel, et son ambition de s’étendre aux États-Unis l’ont conduit à des pertes colossales : 672 millions d’euros en 2021 de pertes d’exploitations, contre 150 millions en 2020 et 60 millions en 2019. Et sur les six premiers mois de 2022, les pertes s’élèvent déjà à 581 millions d’euros !

 

Cette situation entraîne plusieurs réactions de la part de ses dirigeants pour faire face à la crise et poursuivre les objectifs de croissance. D’un côté, l’entreprise mène actuellement une deuxième levée de fonds, dont le montant a été revu à la baisse d’environ 30%. Ce qui pourrait désormais repositionner sa valorisation capitalistique à 30 milliards de dollars. D’un autre côté, pour rassurer les investisseurs, le géant du paiement fractionné a annoncé en mai dernier le licenciement de 10% de ses effectifs, soit environ 700 personnes, afin de faire face à la crise et poursuivre ses objectifs. Mais il reste tout aussi actif sur le plan commercial, y compris en France.

Quelles leçons tirer des annonces de Klarna ?

Le modèle commercial de Klarna privilégie les emprunteurs qui se voient refuser l’accès à d’autres types de financement, et en premier le crédit. En effet, contrairement aux prêts traditionnels, tant que les montants empruntés n’excèdent pas 200 euros ou s’échelonnent sur moins de 90 jours, le paiement fractionné passe sous les radars de la loi Lagarde sur le crédit à la consommation. Par exemple, aucune enquête de solvabilité n’est obligatoire. Ce qui explique l’ouverture facile et rapide d’un compte pour obtenir un “trois fois sans frais”.

 

Dans cette partie faiblement encadrée par les autorités bancaires, le paiement fractionné s’appuie donc sur des consommateurs qui ne peuvent procéder qu’à des crédits de faibles montant, sans quoi ils ne pourraient pas passer les contrôles de solvabilité. Pendant les périodes de boom, ce n’est pas un problème : le nombre d’emprunteurs à risque est relativement faible. Mais avec la crise économique mondiale actuelle, la hausse des taux directeurs qui impacte directement les petits crédits et la baisse des valeurs technologiques ces derniers mois, le paiement fractionné montre qu’il n’est pas une solution viable à long terme.

Vers un nouveau durcissement de la législation du crédit à la consommation

Les acteurs qui financent le “3 fois sans frais”, prennent des risques de plus en plus importants, en continuant à accorder, aux consommateurs financièrement fragiles, des facilités de paiement sans vérifier leur capacité de remboursement. Mais surtout, ils compliquent un peu plus une situation financière parfois déjà dramatique pour ces personnes : en cas d’incident de paiement, les frais flambent rapidement, de l’ordre de 30 à 40% du capital restant dû.

 

Sans surprise, Parlementaires et autorités de régulation du secteur tirent la sonnette d’alarme et appellent à une régulation du marché. Il entend instaurer une vérification systématique de la solvabilité des souscripteurs quel que soit le montant emprunté, afin de limiter le risque de surendettement.

 

Les déboires de Klarna permettent d’identifier des points de vigilance pour les prochains mois, auxquels il convient d’être vigilants au moment d’accorder une facilitée de paiement :

  • Les ménages acculés par des prix élevés et de faibles revenus s’approchent d’un point de rupture dans leur solvabilité.
  • La remontée des taux d’intérêts rend difficile la poursuite de la gratuité pour le consommateur.
  • L’automne s’annonce un moment clé dans l’évolution des solutions de paiement.

Pour conclure

Le paiement fractionné “3 fois sans frais” reste une solution de paiement pertinente, mais cela ne doit pas être l’unique proposition des commerçants. Ces derniers doivent diversifier les moyens de financements. De plus, le modèle économique “buy now, pay later” va nécessairement évoluer avec la remontée des taux qui va se poursuivre et la poursuite de l’inflation. Cela se fera de gré ou de force selon les mesures d’encadrement qui pourront être votées par les Parlementaires de leur propre initiative ou sur proposition du gouvernement. Les fintechs BNPL ont de nouveaux défis à relever pour rester viables, Klarna en tête.

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