Comment évolue le budget des français ?

À l’arrivée du printemps 2023, l’inflation en France s’affichait à 5,6% sur un an selon les données de l’INSEE. Un niveau en ligne avec celle observée tout au long de l’année 2022 : 5,2%. Cette hausse impacte de manière très différenciée les ménages. Les moins affectés dans leurs consommations subissent une progression des prix limitée à 3,4% contre 8,4% pour ceux qui sont les plus impactés. Parmi ces derniers, se trouvent les ménages les plus fragiles, les personnes âgées et les classes moyennes.

Ces disparités entre les ménages s’expliquent aussi en fonction du lieu d’habitation. Ainsi, les dépenses des français vivant à plus de 30 km du coeur d’une agglomération ont augmenté de 17,4% entre 2017 et 2022. Alors que celles des français résidant en centre-ville de 13,6%. Ce phénomène est d’autant plus impactant qu’il est couplé et accentué chez tous les ménages français par des ruptures de stock de biens alimentaires, de médicaments, de carburants ou encore de matériaux.

Comme les salaires n’ont pas été réévalués au même niveau que la hausse de l’inflation, en 2023, le salaire réel se contracte et entraîne une réduction moyenne du pouvoir d’achat net de 130 à 364 euros par membre composant un ménage français. Cependant, la situation aurait pu être plus dégradée sans les mesures prises par le gouvernement en 2022, qui ont joué leur rôle d’amortisseur. Sans ces dernières, les français auraient perdu en moyenne 790 euros supplémentaires l’année dernière et environ 1 000 euros pour 2023.

Ce contexte rude amène les français à reprendre la main sur leurs budgets. Cela commence par les dépenses jugées non essentielles. Selon Kantar, les français ont réduit les sorties au restaurant et gèrent leur budget alimentaire au jour le jour. De même, ils ont moins acheté de vêtements et privilégié les habits chauds pour réduire leur consommation de chauffage et anticiper d’éventuelles coupures d’électricité, qui n’ont pas eu lieu.

Malgré ces restrictions, ils ne sont pas parvenus à maintenir inchangé leur pouvoir d’achat. En conséquence, ils ont accentué leurs recherches du produit le moins cher pour les biens dont ils ne peuvent se passer. Ce qui profite aux nouvelles pratiques de consommation autour des enseignes de déstockage et de solderies, mais aussi aux marques distributeurs qui retrouvent leurs parts de marchés réalisées en 2017 (33,3% en 2022). Et la prime est allée aux commerçants capables de proposer régulièrement des promotions. Ces dernières pèsent pour 14,9% des dépenses actuelles.

Les achats alimentaires illustrent la transformation des comportements. Les achats de produits frais reculent. Les repas évoluent vers un plat unique, où la viande est remplacée par les oeufs, et les pâtes ont disparu. Par ailleurs, près de la moitié des français limitent désormais le gaspillage alimentaire sans pour autant rogner sur la qualité de leurs assiettes. Mais ils montrent une vraie défiance vis-à-vis de l’alimentation bio, jugée trop chère et peut-être pas si respectueuse de l’environnement, notamment quand les produits ne sont pas de proximité.

Malgré cela, l’inflation accélère la transformation et la remise en cause des modes de vie et de consommation pour faire face à l’urgence climatique et à la raréfaction des ressources. A titre d’exemple, le réemploi et l’économie circulaire continuent de gagner en popularité auprès des français qui acceptent les produits de seconde main ou reconditionnés. Ils sont également attirés par l’économie collaborative, qui repose sur le partage ou la monétisation de services ou de location entre particuliers d’objets à usage ponctuel, des biens ou des connaissances… Ce qui leur permet de générer de petits revenus complémentaires.

Cette aspiration à une société moins consumériste, plus écoresponsable et cohérente peut-être vue comme une conséquence de la perte de pouvoir d’achat. En 2023, 56% des français devront arbitrer entre produits alimentaires et consommation d’énergie, selon l’étude OpinionWay pour Bonial « La relation des français avec la consommation ». Aussi, se déplacer pour réaliser un achat devient de moins en moins prioritaire. Ce sont les réseaux sociaux qui deviennent des boutiques où l’on peut rechercher et acheter sur un coup d’émotion et avec l’exigence d’être livré sous 24 heures, mais pas plus.

Cette évolution comportementale vers le Quick Commerce peut apparaître contradictoire avec un budget restreint et une aspiration à la sobriété, car elle repose sur des décisions irrationnelles. Elle l’est, mais la vigilance reste. Par exemple, si les abonnements pour les plateformes de streaming explosent, c’est au détriment de ceux pour le cinéma, la presse et l’édition.

Comme lors des périodes de confinements pour lutter contre la propagation de la COVID-19, les français font preuve d’une très forte adaptabilité et résilience face aux changements provoqués par une inflation durable. Ils n’hésitent pas à opérer des arbitrages draconiens et privilégier l’épargne face à la consommation immédiate. Leur niveau d’épargne reste élevé bien qu’il soit en baisse : 21% en 2020, 18,7% en 2021 et 16,7 % en 2022.

Ce n’est pas tout. La maîtrise du budget quotidien passe aussi par la remise en cause d’une partie des facilités de paiement. Ainsi, les ménages s’avèrent de plus en plus nombreux à stopper leurs prélèvements automatiques pour avoir la sensation de mieux contrôler les dépenses et les ajuster au plus juste.